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Diderot, côté jardin

Jardins et Intimité dans la littérature européenne (1750-1920), dir. Simone Bernard-Griffiths, Françoise Le Borgne et Daniel Madelénat, Clermont-Ferrand, Presses Universitaires Blaise Pascal, coll. Révolutions et Romantismes, 2008, p. 55-66.





Si Diderot se promène autant dans les Lettres, c’est d’abord que sa maîtresse ressemble à s’y méprendre au voyage à Chalons, « C’est une bonne compagnie que cette rivière ; vous la perdez, vous la retrouvez pour la perdre ; et toujours elle vous plaît ; vous marchez entre elle et les plus beaux coteaux »1. Et le 13 octobre 1759, il lui écrit : « Il y a quatre ans que vous me parûtes belle ; aujourd’hui je vous trouve plus belle encore. C’est la magie de la constance, la difficile et la plus rare de nos vertus ». Le cœur a ses intermittences, mais il continue de battre. « Mademoiselle Volland, c’est comme au premier jour ; et quand nous nous reverrons, ce sera comme la première fois » lui confesse-t-il du Grandval, le 9 septembre 17672. Constance dans l’intermittence qui valut à l’écrivain, en ce début d’année 1759, quelques déconvenues domestiques lorsque Mme Diderot découvrit l’affaire. Quatre ans après la rencontre clandestine de Diderot et de Sophie – il a quarante-deux ans, elle trente-neuf, elle s’appelle Louise-Henriette rebaptisée Sophie, sa « cruelle et silencieuse Sophie »  pour la postérité – nous parvient la première des lettres de lui qui ont été conservées, la cent trente-cinquième, d’après le manuscrit. Anne-Toinette a découvert une liaison dorénavant menacée, et Grimm, l’ami de toujours, vient à manquer. Lassé de l’inconfort de sa situation, Diderot trouve à Marly3 cet agrément d’intimité que lui refuse Paris. Il s’y promène. Qu’importe si le cœur n’y est pas, l’œil s’y arrête et l’esprit s’y révèle, frappé par la disposition du domaine. Encore qu’il ne le trouve pas exactement à son goût. Diderot en détaille la promenade dans la lettre du 10 mai adressée à sa maîtresse.


Je te dis que je t’aime

De Louise-Henriette Volland (1717-1784), nous ne connaissons aucune lettre, sinon les mentions qu’en livre Diderot, ni, de lui, celles des cinq premières années. Autant dire que la correspondance est pour le moins peu correspondante. Correspondance à une voix4 où l’asymétrie fait la littérature. Et d’abord parce que les lettres manquent. Un peu moins de la moitié des lettres de Diderot à Sophie sont perdues. Du moins, celles que nous connaissons5, nous les lisons avec l’aval de Diderot qui a scrupuleusement corrigé son manuscrit de façon à en faire une entreprise de littérature, au même titre que ses fictions et ses salons. Il n’a considéré l’ensemble ni comme un domaine privé ni comme un simple décorum biographique – encore que les biographies ne soient jamais simples – mais comme une « œuvre » de littérature amoureuse.

Or, cette absence matérielle ne doit pas nous faire oublier une absence tout aussi essentielle. Car si la Correspondance a lieu, c’est d’abord que Sophie vient à manquer. Au commencement de la promenade, une absence. Il n’y a pas de correspondance qui ne va sans relation interrompue ni constance dans l’intermittence. Paradoxe où trouver une issue à l’aporie n’est pas une mince affaire (l’άπορος, le sans chemin, sans issue, qui fera le drame d’Œdipe et la poésie de Pessoa : « Je donnerais beaucoup pour un chemin conduisant d’un lieu d’où personne ne vient à un lieu où personne ne va »6). Depuis que le « petit escalier [qui menait à la chambre de Sophie] est tombé », il n’y a effectivement plus de chemin à emprunter. Ni de discrétion assurée. Qu’importe, ce sera à la lettre de faire le pont. Voie libre au désir. Ce défaut de Sophie, c’est précisément ce qui en fait la qualité. C’est l’Éros postal. Dans la lettre du 14 juillet 1762 : « Pour moi, dans l’éloignement où je suis de vous7, je ne sache rien qui vous rapproche de moi, comme de vous dire et de vous rendre présente à mes actions par mon récit »8. L’amour comme une lettre à la poste. Encore qu’il y a lire et lire. Comme il y a aimer et aimer. C’est-à-dire que cette lettredamour, comme l’écrit Derrida en un seul mot9, qui nous assure de sa réception ? 

Jardin postal par lequel quelque chose comme l’amour se promène avec cette possibilité dissidente, non négligeable, non négociable de ne pas arriver à destination. Car il faut que la lettre, affranchie, puisse s’égarer. Qu’elle soit retenue ailleurs, ailleurs que là où on l’attend. Qu’elle manque à sa place, quand bien même l’amant ne saurait se résoudre à la lettre morte : « Il ne faut pas que cela soit ». C’est pourquoi les livraisons sont tellement scrupuleuses : Quai de la Tournelle, chez Damilaville ou rue Neuve Luxembourg chez Grimm. Sans retard. Impossible, car aucun délai postal ne satisfait le temps de l’amour : « Ah, chère amie, ne vous plaignez pas tant de la lenteur des courriers, je ne saurais les faire aller plus vite »10. « Laissons les courriers aller à leur gré ; aussi bien ils ne pourraient jamais aller au gré de notre amour… ». L’amour avant la lettre ne se rattrape pas.

Ce qui paraît tellement excessivement indéchiffrable dans la déclaration d’amour plus qu’ailleurs, c’est que l’Autre puisse venir à manquer tout en détenant ma signification. C’est-à-dire que l’Autre n’arrête pas de me faire écrire. L’amour entre les lignes. Et le destin dans les blancs. « Vous baiserez au bout de cette ligne, car j’y aurais baisé aussi. Là, là ». La lettre comme véhicule de l’actualité du sentiment ; de deux bouches, le baiser. Quand un soir de juin 1759, quelques jours avant la mort de M. Diderot qui affectera si profondément Denis, la maîtresse manque à sa demeure, tout est noir : 


« J’écris sans voir. Je suis venu. […] Il est neuf heures. Je vous écris que je vous aime, je veux du moins vous l’écrire ; mais je ne sais si la plume se prête à mon désir. […] Voilà la première fois que j’écris dans les ténèbres. […] L’espoir de vous voir un moment me retient, et je continue de vous parler, sans savoir si je forme des caractères. Partout où il n’y aura rien, lisez que je vous aime. »11


Lettre après lettre, ce que je signifie à l’Autre, c’est la signification que je lui adresse. À la lettre, c’est ça qui prétend se destiner. Lettre ouverte. L’ironie étant que ça me destine tout autant. Lettre aveugle. Boîte aux lettres d’Œdipe. Comment pourrais-le savoir, moi l’hypocrite, moi l’insensé ? Cet amas de lettres, c’est à n’y rien comprendre. Car comprendre, c’est se mettre à la place de l’Autre. Et comprendre ne vient qu’après, comme la conscience après l’action, quand elle vient. À défaut, le désir fait la répétition. Dont la jouissance fait la perversion.

Comprenons. Manquer de répondre ne peut que laisser à désirer. Qu’importe si la poésie de l’amour surpasse l’amour lui-même, comme chez Virgile, Lucrèce ou Dante, il n’y a pas de littérature sans amour ni d’amour sans littérature. Je t’aime. Et cet éros postal ne va pas simplement de soi. Il faut que l’amour soit dans son manque. Qu’il soit son manque. Non pas à la façon d’une servitude inhibitrice mais comme liberté érotique soucieuse d’une éthique de la relation où l’altérité se pose à la fois comme une réalité et comme un imaginaire, autre que soi-même : une distance intime, un (deux, trois, quatre…) corps désirant une pudeur dans le désir.


L’amour au fond du jardin

Diderot en amicale compagnie à Marly, l’atmosphère n’est pas à la tristesse, encore que le baron de Gleichen qui « a beaucoup voyagé » et qui accompagne une fois de plus notre philosophe jardinier regrette la femme du margrave de Bayreuth, sœur de Frédéric II, morte l’année précédente12. Dans ce recueillement où une douce mélancolie enveloppe les êtres, la promenade orchestre une méditation où la philosophie ne vaut qu’à condition de venir du cœur plus que de la raison. C’est dire combien le sentiment préexiste au paysage. Si le paysage ne préexiste pas à la rêverie, c’est qu’il développe et ordonne un contenu sublime qui frappe les sens et retient l’esprit, c’est-à-dire une idée faite de sentiment. Tout un réseau d’analogies et de substitutions s’établit par paysage interposé, entre un dehors qui fait signe et un état d’âme. À travers le paysage, c’est la femme aimée qui est entraperçue, c’est son destin désiré, signifié, appelé. En même temps, c’est un paysage référentiel. Chez Diderot, l’amour trouve généralement de quoi s’accommoder au réel. Lorsqu’il parle des bas et des hauts du jardin, il fait effectivement référence à la disposition du domaine tel que le dessina Louis XIV. De la même façon que lorsqu’il parle des pavillons, il n’invente rien. Marly présente douze pavillons alignés, réservés aux seigneurs invités que réunissaient entre eux des berceaux de treillage censés répondre à cette ordonnance astrologique que le Roi affectionne, chacun des pavillons représentant une maison du Zodiaque. Quant à la statue d’Agrippine au bain et aux massifs qui l’entourent, nous identifions sans difficulté le bosquet de Louveciennes qui abrite cette statue en marbre aménagée en 1696. L’exercice, en revanche, se révèle plus périlleux en ce qui concerne le « vieux faune qui s’attendrit sur un enfant nouveau-né » et le « centaure qui porte sur son dos un enfant ». S’agit-il du Faune du Salon du Couchant ou du Salon du Faune du Levant qui termine la perspective de l’allée supérieure du bosquet de Louveciennes ? Ou encore du faune de la Salle des Parallèles ? Qu’importe ce repérage, le paysage est une invention philosophique. Et la philosophie est une histoire d’amour. Grandeur nature. Dans les Lettres à Sophie Volland, la topographie est surtout une fonction de l’imaginaire. Sophie est partout dans le paysage.

Ainsi donc en promenade, en un lieu retiré, entre les berceaux et les bosquets, entre les monstres de pierre et les eaux en cascade, le philosophe aventure le paysage au sentiment. Les pavillons sont « à demi enfoncés » dans la forêt et évoquent un décor irrationnel et poétique de « féerie », c’est-à-dire d’abord peut-être au sens le plus littéral d’un spectacle où apparaissent des personnages surnaturels, dieux et démons, fées et enchanteurs. Ces jeux d’eau, d’ombre, de silence et de lumière que Mme Campan ne manquera pas de noter dans ses Mémoires13, et le passage de la veille au sommeil redessinent les taillis de la pensée. Allusive, l’intimité retrouvée et chérie participe du silence. Diderot, rêveur, se laisse promener par son imagination.


Chut ! C’est le secret du renard. On ne voit bien qu’avec le cœur


Un cœur invincible et persévérant qui porte une « âme mélancolique », évoque cet « air de féerie », aventure « une réflexion vague et décousue », « ce son de la voix, l’ouverture de son âme » [...] « Je dis peu de choses ; j’écoutais et je rêvais ». La nature nous parle plus qu’on ne lui parle. Sentir les choses, éprouver la nature, c’est non seulement se livrer au libre jeu des possibilités, mais encore entrer en communication avec un dehors qui fait signe et une intériorité qui ne demande qu’à s’y retrouver.

L’un des péchés mignons de l’analogie, c’est de désigner le monde comme langage. Le monde-en-tant-qu’il-parle. L’objet parlant est une autre imagerie du matérialisme enchanté, amoureux du moins. Qui fonctionne selon le même tour de passe-passe que Freud affectionnait quand il parlait de sa collection de statuettes antiques comme de pierres « qui parlent et l’entretiennent de pays lointains »14. Donc comme Sigmund, 


Il faut regarder les statues comme des êtres qui aiment la solitude et qui la cherchent, des poètes, des philosophes, et des amants, et ces êtres ne sont pas communs. Quelques belles statues cachées dans les lieux les plus écartés, les unes loin des autres, qui m’appellent, que j’aille chercher ou que je rencontre, qui m’arrêtent et avec lesquelles je m’entretienne longtemps…


Mais qui est à la fois et poète et philosophe et amant si ce n’est Diderot lui-même ? Le jardin dans la structure, la structure dans le sujet. Donc du jardin dans le sujet. D’emblée, dans un lieu retiré, propice à la rêverie, Diderot paysage un principe d’analogie, une affinité élective entre son être intérieur et le monde. Une formule d’harmonie, principe premier de son esthétique à partir du Salon de 1767. Dans quelques-unes des « lettres à Grimm », il explique que la littérature n’imite ni le monde ni la nature, mais ambitionne d’en restituer les rapports. À cette condition, la littérature pénètre les méandres du monde, non pas à la façon d’un naturalisme – aucune méthode ne l’y aiderait – mais comme une façon de sentir les sensations plus que le réel lui-même. C’est pour cela que la vie, le vivant comme dit Diderot, est si reconnaissante à la littérature, car la littérature est le lieu où l’on rend les choses à leur complexité. La littérature est pleine d’amour15. Ainsi, Diderot poète, philosophe et amant part de ce qui s’offre à sa vue, des aspects du jardin, cherchant en eux des structures communes susceptibles par surcroît de s’apparenter aux structures constitutives de son être intérieur. L’art paysager s’instaure d’emblée dans un rapport privilégié entre un dehors qui fait signe et l’attention flottante d’un amant sensible à son propre univers : une méditation où le cœur contrebalance les ratios du Logos, une rêverie qui oblige la raison au silence. L’art ne sert à rien, s’il ne nous rend pas plus attentif à ce dans l’impossibilité de quoi il ne cesse d’œuvrer : à ce qui a lieu davantage qu’à ce que l’on voit. Chemin faisant, l’imagination se spatialise et le cœur va au jardin, selon ce que doit désormais tenter le paysage : entrouvrir la scène intérieure. Depuis les taillis de la pensée, l’amour fait de la philosophie un domaine dont la clôture est soumise à cet incessant transport de la valeur qu’est la métaphore. À travers la copule de l’art et du paysage, l’intimité et le monde se font scènes et s’y retrouvent, l’homme et la nature passent ensemble dans le domaine de la correspondance.

L’opérateur de cette correspondance, comme le dit si distinctement Diderot, ce sont les statues. Faune, sphinx et centaure sont les figures (de l’art) qui réalisent cette conjonction du dehors et du dedans, où s’inscrit leur harmonie, où se parle ce langage retrouvé, peut-être, du corps et de l’esprit, du mot et de la chose, de la nature et de la lettre en tant qu’objets de fiction. La statue est le dieu unique d’un amour sacré puisque aussi bien, le 2 juin 1759, « J’ai élevé dans son cœur une statue que je ne voudrais jamais briser »16. Cette familiarité de communication, réaffirmée dans la lettre du 19 août 176217, conforte le promeneur et les monstres de pierre dans la même gamme harmonique. Chimère, mais sublime. 


Pourquoi pas les célibataires ?

La statue désigne cet interstice. Certaines et « point d’autres ». Pourquoi des hybrides ? Il est vrai que le petit peuple des statues, parce qu’il est généralement d’ascendance mythologique, ne manque pas d’être hybride. Il est attendu. Comme le dit l’Abbé du Bos à propos de certains personnages allégoriques, ils « sont nés depuis plusieurs années ; depuis longtemps ils ont fait fortune ; […] ils ont acquis, pour ainsi dire, droit de bourgeoisie parmi le genre humain ». Dans les allées de Versailles ou de Marly, tritons, centaures et petits faunes de l’Allée des Marmousets ne paraissent guère moins familiers que les cerfs, les bergers ou les dauphins. Mais les sujets simples ne manquent pas non plus. Seulement, les célibataires n’intéressent pas Diderot. Ça ne lui dit rien. Ça ne lui « parle » pas. Donc, ce langage des hybrides, quelle information communique-t-il au poète, au philosophe et à l’amant qui les « appelle» et les « arrête »?

Le faune, semi-divinité, n’est pas seulement mi-homme, mi-bouc ; en lui s’interpellent l’animalité, l’humanité et la divinité, la culture et la nature, le langage articulé et l’expression spontanée, l’état sauvage et l’état civilisé. Ce que le combat des centaures avec les Lapithes rappelle très précisément. Quant au sphinx ou sphinge, homme et femme quand il plaît, il a la tête d’une femme avec le corps d’une bête, les griffes d’un lion, les ailes d’un oiseau et une queue de serpent. Son corps figure le lieu de la rencontre des antagonismes et d’une réconciliation imaginable et dynamique entre eux. Voilà ce qui retient Diderot et lui accorde quelque « plaisir ». La statue hybride matérialise quelque chose du couple : une réunion d’éléments hétérogènes en une figure synthétique. Sachant qu’on ne fait couple qu’avec son fantasme. Sachant que matérialiser, cela veut dire douer la matière de sentiment. Comme un don d’amour.

L’amour qui justement permet de passer de la mort à la vie, représentés comme « deux maillons, montrés à l’endroit où ils se joignent »19. Non pas un symbolisme, un dynamisme, un vitalisme. Un nouveau-né pour le faune contre un « enfant despote » pour le centaure. Le couple est à trois – homme, femme, enfant – quand le thème de la pénétration saillit sur une puissance tierce en lieu et place du désir d’enfant. Territoire fragmenté, la vie est révélée dans son « processus ambivalent ». L’écriture, elle-même, est au service d’une médiation temporelle. La promenade dans le jardin est aussi une promenade dans le temps. De là, très certainement, la bipartition de la lettre qui s’ouvre sur la prospection du passé pour terminer dans l’avenir, même incertain : « j’augure mal de l’avenir… ». Façon de suggérer une conjonction possible dans l’oscillation. C’est pourquoi tout fonctionne au moins par deux, parce que tout se tient au moins par deux : Grimm et Diderot, Diderot et Sophie, les hauts et les bas du jardin, l’espace et le temps, la mort et la vie...


Nous partageâmes notre promenade en deux. Nous parcourûmes les bas avant le dîner. Nous dînâmes tous d’appétit. [Notre baron] a de l’originalité dans le ton et dans les idées. […] Il n’aurait ni embarrassé ni offensé ma Sophie, parce que ma Sophie est homme et femme quand il lui plaît. Il n’aurait ni offensé ni embarrassé mon ami Grimm, parce qu’il permet à l’imagination ses écarts et que le mot ne lui déplaît que quand il est mal placé. […]Nous nous entretînmes d’art, de poésie, de philosophie et d’amour ; de la grandeur et de la vanité de nos entreprises, du sentiment ou du ver de l’immortalité ; des hommes, des dieux et des rois ; de l’espace et du temps ; de la mort et de la vie… »


L’absence n’est plus irréductible, le deuil n’est plus irréversible, la forme n’est plus vide, la solitude n’est plus irrémédiable. L’âme « s’entrouvre » avec le baron de Gleychen. Non comme confusion ni confession, mais comme un monde à partager. Parce qu’ils parlent ce même langage, ils « s’entendent presque sans parler », parce que le baron est lui-même un hybride : « Il a de l’originalité dans le ton et dans les idées. Imaginez un satyre gai, piquant, indécent et nerveux... ». Aussi, dans la lettre à Sophie du 19 août 1762 :


Mais s’il avait fallu trouver aux filles de Morphyse [Mme Volland mère20] des époux dignes d’elles, elles seraient encore à marier toutes trois. Il fallait un sylphe à Uranie, et un grand ange, un ange d’annonciation à l’aînée ; pour vous, l’ami Diogène, mais avec un petit bout de draperie bien ou mal attaché, et vous avez en moi tous les trois, selon les instants…21


L’affinité élective, sensible, minimise l’hétérogénéité des lieux, des temps et des sujets. Ce n’est pas une pensée du signe. Finie la doctrine dualiste. Tout se fait dans le désir en disloquant un temps ordonné au centre du présent. Dans la lettre du 15 octobre 1759 : Dans la lettre du 15 octobre 1759 :


« … Le sentiment et la vie sont éternels. Ce qui vit a toujours vécu et vivra sans fin. La seule différence que je connaisse entre la mort et la vie, c’est qu’à présent vous vivez en masse, et que dissous, épars en molécules, dans vingt ans d’ici vous vivrez en détail. »22


Vieillerie compensatrice de la vie éternelle dans le détail, jusqu’à la dernière lettre. Donc tout le contraire d’une promotion du signe, mais plutôt une philosophie de la métamorphose, de la palingénésie, une poétique de l’intrication qui ne soit pas une abominable digestion à la Chronos. Et plus loin :


« Ceux qui se sont aimés pendant leur vie et qui se font inhumer l’un à côté de l’autre ne sont peut-être pas si fous23 que l’on pense. Peut-être leurs cendres se pressent, se mêlent et s’unissent. […] O ma Sophie, il me resterait donc un espoir de vous toucher, de vous sentir, de vous aimer, de vous chercher, de m’unir, de me confondre avec vous, quand nous ne serons plus. S’il y avait dans nos principes une loi d’affinité, s’il nous était réservé de composer un être commun ; si je devais dans la suite des siècles refaire un tout avec vous ; si les molécules de votre amant dissous venaient à s’agiter, à se mouvoir et à rechercher les vôtres éparses dans la nature ! Laissez-moi cette chimère. Elle m’est douce. Elle m’assurerait l’éternité en vous et avec vous… »24


Même réduits en cendres, les amants font l’amour. Non pas l’amour des idées, mais le matérialisme en raison de l’amour, amour indéfectible qui confère à l’inerte une motricité désirante, une sexualité. La cendre (é)mue par l’amour. L’amour en lettres de feu. Kernos amoureux, thermos désirant. Dans l’événement de mourir, du mourir à petit feu, Sophie ne pourra plus jamais se tenir à la même distance. En vertu de quoi il ne serait de lettre morte. N’y a-t-il pas toujours une raison de vivre pour laquelle on meurt à petit feu ? Mourir d’aimer, comme Julie de Lespinasse. Folie, mais douce. Sagesse sans garde-feu. Consolatio ad morituros amantes. Le philosophe le sait bien. Quelle autre raison aurait-il de modaliser autant ses propositions, si ce n’est qu’il n’assume pas la pleine vérité de ses assertions ? C’est pourquoi il faut se réjouir du bûcher, ainsi que l’entendent très à propos Mme d’Aine et M. Le Roy, ce « satyre des Loges »25. Et le 20 octobre 1760, du Grandval : « Je viens de relire cette lettre. J’avais presque envie de la brûler […] Je brûle de vous revoir »26. L’amour fait long feu. De cette façon, ces lettres d’amour à la destination incertaine, comme les cendres et comme les larmes27, ne sont pas simplement dispersées. Elles ne sont pas perdues dans le monde. Elles y sont sans s’y égarer car l’amour n’est pas mondain. L’esprit du feu car le corps purifié. La cendre, donc, comme figuration, comme corps amoureux, comme corps brûlant et le destin en calèche. Car là où s’arrête le déterminisme, les êtres voyagent les uns dans les autres. Leur histoire s’apparente à un cycle. « Passé, présent, avenir donc, comme enfilés sur le cordeau du désir »28 dit Freud du rêve. Accouplement. Déjà l’univers devient une copule atomiste. Ainsi du destin des marbres des chapelles de Saint-Sulpice, d’ailleurs introduit par toute autre chose :


« Le baron de Gleichen a beaucoup voyagé. Ce fut lui qui fit les frais du retour. Il nous parla des inquisiteurs d’État de Venise qui marchent toujours entre le confesseur et le bourreau ; de la barbarie de la cour de Sicile qui avait abandonné un char de triomphe antique, avec ses bas-reliefs et ses chevaux à des moines qui les ont fondus pour en faire des cloches. Cela fut amené par la destruction d’une cascade de Marly dont les marbres revêtissent à présent les chapelles de Saint-Sulpice. »


Il n’y a plus de séparation irréversible si – exorcisme – l’univers est en transfert perpétuel. Chaque être ou chaque chose est polymorphe et le cycle agit comme une opération chimique, une chimie intime qui lie les éléments dans la succession des formes. Nul déchet si mobilité et métamorphose ressortissent de l’intelligibilité. Si les emblèmes de l’hybridité désignent une opposition a priori indépassable pour la raison en donnant à voir une forme négociée, ils actualisent une transaction érotique – tout passe, hormis l’amour – qui proscrit les déterminations univoques, la contradiction restât-elle irréductible pour la raison. Ils suggèrent qu’il n’y a pas de synthèse arrêtée ni de destin résolu.


Ceux qui se sont aimés pendant leur vie et qui se font inhumer l’un à côté de l’autre ne sont peut-être pas si fous29 que l’on pense. Peut-être leurs cendres se pressent, se mêlent et s’unissent. […] Oh ma Sophie il me resterait donc un espoir de me confondre avec vous quand nous ne serons plus. S’il y avait dans nos principes une loi d’affinité, s’il nous était réservé de composer un être commun […] Laissez-moi cette chimère. Elle m’est douce. Elle m’assurerait l’éternité en vous et avec vous…30


Homme et femme quand il plaît

Il reste à faire un sort à Sophie, présentée elle aussi sous les traits d’un hybride en connivence avec Gleichen. Aussi, « Il [le baron de Gleichen] n’aurait ni embarrassé ni offensé ma Sophie, parce que ma Sophie est homme et femme, quand il lui plaît ». On songe à la figure aristophanesque de l’androgyne, imaginée par Platon dans Le Banquet, qui, avec ses quatre bras et ses quatre jambes, est capable d’une giration accélérée. Alors que c’est l’être mutilé qui devrait être pressé de retrouver sa moitié. L’androgyne fait la roue. Et Sophie l’homme avec Gleichen. De quoi crier au crypto-lesbianisme ou à la bisexualité psychique. Qui sait si Diderot ne fait pas la femme avec Sophie ? Gender trouble ? Tirésias aussi, fils d’Udée et de la nymphe Chariclo, faisait l’homme ou la femme selon son désir. Bien mal lui en prit. Pour s’être réjoui(e) en/de l’Autre, il fut bien puni. Selon certaines versions du mythe, Héra le fit taire en le rendant aveugle pour lui apprendre à tenir sa langue31. Alors il s’improvisa divin postier, c’est-à-dire devin à la cour du roi Laïos. Façon de destiner Œdipe. On connaît la suite. Dans un « petit papier », simple compte rendu de dissertation32 (« petit chef d’œuvre » selon Sainte-Beuve) inséré dans la Correspondance de Grimm en 1772 (il est alors amoureux de Mme de Meaux), il lui vient la coquetterie d’ajouter que, son amitié du moins, ne va que dans un sens : « Il y a des femmes qui sont hommes, et des hommes qui sont femmes ; et j’avoue que je ne ferai jamais mon ami d’un homme-femme. »33 Si Sophie est « homme et femme, quand il lui plaît », Diderot lui manque-t-il autant qu’elle ne lui manque ? Car sa moitié n’est-elle pas en couple avec elle-même ? Quand elle n’est pas dans les bras de sa chère sœur au nom sans équivoque, la sévère Uranie. Des bras qu’il soupçonne de transports intimes mais qu’il se refuse à juger. En la matière, il est vrai qu’Œdipe n’a pas de leçon à donner. Ni de compte à rendre. Après tout, ces bras feront un prétexte renouvelé à la concurrence, « On serre toujours contre son sein que celui qu’on aime et l’art d’écrire n’est que l’art d’allonger les bras ». Attention quand même à la plume dans l’œil. Ou peut-être s’imagine-t-il déjà entre eux ?34 Si Diderot ne va pas sans sa Sophie, Sophie ne va pas sans cette sœur littéralement Οίδίπους, aux pieds « gonflés par les chaleurs qu’il a fait »35 et Diderot ne va pas sans Grimm, l’aveugle en devenir36, tout ce petit monde lui-même hybride, en partage d’Œdipe. 1 à 1, 2 à 2, 2 et 2, 1 à 4, 4 en 1, 1 pour tous, tous pour un… Aux petits jeux des comptabilités amoureuses, sans compter qu’il faut se donner du mal pour recevoir ceux qu’on aime, l’amour se met en quatre. Transsexualisme pour lequel la commutation des signes du genre permet la jouissance du sexe de l’Autre sans discrimination. Un, deux, trois, quatre, cinq… Denis/Sophie : à combien ces deux-là font-ils couple ? Comment ne pas sentir ni comprendre l’inquiétude de l’amant face à la femme qui ne manque pas à être, non soumise à la scissiparité et dont l’indépendance tisse la toile d’un drame vieux comme le monde, celui de la différence sexuelle.


La boite aux lettres d’Œdipe

Inquiétude redoublée quand l’amant rencontre enfin le sphinx, deux en un en vérité, la double et duplice Morphyse, l’imago maternelle d’un dieu terrible qui lui parle un langage de l’énigme, du hiéroglyphe, du cryptogramme, du symbole37. Où ce qui est dit n’est pas fidèle à son étymon. Herméneutique démoniaque où ce qui est dit a toutes les chances de dé-dire, d’inter-dire, de séparer. Cette tentation d’assimilation du paysage à l’allégorique n’a certainement rien à voir avec un art innocent. Non le cratylisme que promet l’adéquation du mot et de la chose, mais une douane postale : « On dirait que Morphyse ait deviné que vous m’écrivez tout, et qu’elle se fasse un jeu de vous montrer à celui que vous aimez et de vous ravir à ses souhaits, d’une poste à l’autre… »38. Douane postale car la mère dit de sa fille qu’elle est interdite et que cet interdit ne peut conduire qu’au malheur. L’incertitude n’est plus alors de l’ordre du sentiment mais du pressentiment.


« Votre mère a l’âme scellée des sept sceaux de l’Apocalypse. Sur son front est écrit mystère. Je vis à Marly deux sphinx, et je me la rappelai. Elle nous a promis, elle s’est promis à elle-même plus qu’il n’est en elle de tenir. Mais je me console et je vis sur la certitude que rien ne séparera nos deux âmes. »


Diderot convoque librement l’Apocalypse, dont le manuscrit était sept fois scellé. Il en insère un fragment : « Et sur son front, ce nom était écrit : Mystère »39, qu’il reprend en 1772 dans Sur les Femmes : « Le symbole des femmes en général est celle de l’Apocalypse, sur le front de laquelle il est écrit : MYSTERE »40, la femme dont la ville est « Babylone la grande, mère des fornications et des abominations de la terre ». Sur le front de laquelle il est écrit ce qu’il ne faut pas dire. Σφίγξ, cette mère terrible, cette « étrangleuse » si sinistre et si fantasmatique, tremendum et fascinans, n’est pas un opposant comme les autres, c’est un persécuteur. Qui dévore tout cru l’Agneau mystique. Syncrétisme pagano-chrétien de circonstance. Qui pose la question de l’interdit en incitant une transgression. Un inceste. Du reste, c’est ce qu’a toujours fait la sphinge : « sourire à son devenir illimité »41. À cette question, τί στιν μίαν χον φωνν τετράπουν κα δίπουν κα τρίπουν γίνεται, on y joue sa vie. En essayant d’échapper à son destin. Comme l’enfant de Freud avec la répétition des intermittences, ne serait-ce que pour se faire peur. Fort/Da. On y gagne la partie d’engager le tout. En aliénant la mère. Privative de grâce, elle est aussi la terrible gestionnaire de la jouissance.

Dans sa pose hiératique, elle ne peut que semer la terreur dans le jardin. Ambivalence de l’Énigme. Terreur d’une disjonction entre l’imaginaire co-écrit par le couple et inter-dit par la Mère. Maintenant, imaginons un instant que ce sphinx soit le fantasme d’Œdipe, dont la réponse est l’homme, anthrôpos, l’homme qui cherche et qu’il cherche. Soi-même comme un monstre ? Lettre écrite à soi-même. Sans tremblement : l’analyse est l’art de défaire à l’infini « cet abîme entre le feu et la cendre pour suspendre sa stupeur dans la naissance inopinée de la voix en tant qu’écriture »42 : le moment qui n’en finit pas de tomber en cendres. Et partant, ne pas y voir que du feu. Donc tout homme œdipien qu’il est, hybride ? La chose terrible, l’homme ? (A) Qui mettra son nom sur cette boite aux lettres ? Révélation dont la destination ne peut s’affranchir. Prendre acte de littérature. « Si vous ne vous rappelez pas vos propres lettres, celle-ci sera pire qu’un chapitre de l’Apocalypse »43. « Vous connaissez bien cet oracle-là »44. Si l’amour est dans le jardin, l’apocalypse est à la poste.


Post-scriptum45

Après, pourquoi poster tout cela ? Probablement parce qu’essayer de comprendre n’empêche pas d’aimer, quand bien même il n’y aurait rien à trouver au fond de la boîte aux lettres.


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Olivier Sécardin

Université de Paris-IV Sorbonne





Notes

⇑ Remonter



[1] D. Diderot, Lettre du 17 août 1759, Lettres à Sophie Volland, éd. J. Varloot, Paris, Gallimard, 1984, p. 68.

[2] D. Diderot, Lettre du 9 septembre 1767, Ibid., p. 318.

[3] « Un vallon étroit, profond, à bords escarpés, inaccessibles par ses marécages, sans aucune vue, enfermé de collines de toutes parts, extrêmement à l’étroit, avec un méchant village sur le penchant d’une de ces collines, qui s’appelait Marly » : c’est par ces mots que Saint-Simon évoque le domaine royal (Louis de Rouvroy, duc de Saint-Simon, Mémoires, XXVIII, publiés par A. de Boislile, Paris, Hachette, 1879-1928, p. 170). C’est pour se retirer du monde, du moins pour y retrouver un succédané d’intimité, que Louis XIV, au zénith de son pouvoir, entreprit les premiers défrichements en 1679. Intime et préservé, le domaine de Marly offrit au Roi un écrin de verdure moins soucieux d’étiquette que les maisons curiales, comme le Louvre, Versailles ou Saint-Germain. Racine s’y plaisait ; même Saint-Simon, d’habitude si rétif au compliment, céda au charme. Nombreux sont ceux qui, au cours du XVIIIe siècle, furent enchantés par son air de « féerie ». L’Abbé Delille admira lui aussi le décor sculpté des jardins, même si certains éléments en avaient déjà disparu depuis longtemps. Funeste destin que celui de Marly. Inoccupé par la cour à partir de 1781, mis sous séquestre le 10 août 1792, le château est vidé en 1793 et ses meubles vendus. Acquéreur des bâtiments, l’industriel Sagniel, ruiné, fit démolir dès 1806 le château et ses dépendances pour en vendre les matériaux. Plus rien désormais ne vint troubler la paix du vallon sinon les pas de promeneurs venus chercher le souvenir de ce qui n’est plus. Ainsi Victorien Sardou qui évoque « la solitude pleurant sur le désert » (V. Sardou, Les Papiers de Victorien Sardou, Notes et Souvenirs rassemblés et annotés par G. Mouly, Paris, S.D., p. 248).


[4] Voir en particulier, J. Chouillet, Denis Diderot, Sophie Volland, Un dialogue à une voix, Paris, Honoré Champion, 1986.

[5] Les 187 lettres autographes du Fonds Vandeul de la Bibliothèque nationale de France. En particulier, Herbert Dieckmann, « L’épopée du Fonds Vandeul », RHLF (6), nov.-dec. 1985, p. 963-976.

[6] Fernando Pessoa, Le Livre de l’intranquillité, Paris, Christian Bourgois, 1988, p. 151.

[7] Sophie est retenue par sa mère dans la maison familiale de l’Isle-sur-Marne.

[8] Denis Diderot, Lettre du 14 juillet 1762, Lettres à Sophie Volland, op. cit., p. 185.

[9] Jacques Derrida, La Carte postale, de Socrate à Freud et au-delà, Paris, Flammarion, 1980.

[10] Denis Diderot, Lettre du 18 octobre 1760, Ibid., p. 133-134.

[11] Denis Diderot, Lettre du 10 juin 1759, Ibid., p. 48.

[12] Le Baron de Gleichen qui écrit dans ses Souvenirs : « Le penchant pour le merveilleux inné à tous les hommes en général, mon goût particulier pour les impossibilités, l’inquiétude de mon scepticisme habituel, mon mépris pour ce que nous savons et mon respect pour ce que nous ignorons, voilà les mobiles qui m’ont engagé à voyager durant une grande partie de ma vie dans les espaces imaginaires », Charles-Henri Gleichen, Souvenirs ; suivi de La science maçonnique selon de baron de Gleichen ; et d'extraits de sa correspondance, précédés d'une notice et trad. de l'allemand par Paul Grimblot, Paris, L. Techener fils, 2004.

[13] Jeanne-Louise-Henriette Campan, Mémoires de Madame Campan, Paris, Mercure de France, 1988.

[14] Gérard Wajcman, « L’art, la psychanalyse, le siècle », in Lacan, l’écrit, l’image, sous la direction de l’École de la Cause Freudienne, Paris, Flammarion, 2000, p. 30.

[15] Roland Barthes, Fragments d’un discours amoureux, Paris, Seuil, 1977.

[16] Denis Diderot, Lettre du 2 juin 1759, op. cit., p. 45.

[17] Denis Diderot, Lettre du 19 août 1762, Ibid., p. 211-212.

[18] Abbé du Bos, Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, 7e éd., Paris, Pissot, 1770, t. 1, p. 193.

[19] Mikhail Bakhtine, L’Œuvre de François Rabelais et la Culture populaire au Moyen Âge et sous la Renaissance, Paris, Gallimard, coll. Tel, 1982.

[20] Élisabeth Françoise Brunel de la Carlière, veuve de Jean Robert Volland, inspecteur général des fermes de Sa Majesté.

[21] D. Diderot, Lettre du 19 août 1762, op. cit., p. 211-212.

[22] Denis Diderot, Lettre du 15 octobre 1759, Ibid., p. 90.

[23] Car la création de monstre est une forme de folie que l’âge classique n’a pas voulu ou n’a pas pu intégrer à son champ de perception défini comme harmonie entre parties subordonnées à une totalité achevée, symétrie pour autant qu’elle reste raisonnable à la Nature et à la raison.

[24] Denis Diderot, Lettre du 15 octobre 1759, op. cit., p. 90-91.

[25] « Le soir, nous étions tous retirés. On avait beaucoup parlé de l’incendie de M. de Bagueville. Et voilà madame d’Aine qui se ressouvient dans son lit qu’elle a laissé une énorme souche embrasée sous la cheminée du salon. Peut-être qu’on n’aura pas mis le garde-feu ; et puis la souche roulera sur le parquet, comme il est déjà arrivé une fois. La peur la prend, et, comme elle ne commande rien de ce qu’elle peut faire, elle se lève, met ses pieds nus dans ses pantoufles et sort de sa chambre en corset de nuit et en chemise, une petite lampe de nuit à la main. Elle descendait l’escalier, lorsque M. Le Roy qui veille d’habitude et qui s’était amusé à lire dans le salon, remontait. Ils s’aperçoivent, madame d’Aine se sauve. M. Le Roy la poursuit, l’atteint, et le voilà qui la saisit par le milieu du corps et qui la baise et qui la baise, et elle qui crie et qui crie : A moi ! à moi ! à mon secours ; et les baisers de son ravisseur l’empêchaient de parler distinctement. », Denis Diderot, Lettre du 20 octobre 1760, Ibid., p. 138-139.

[26] Denis Diderot, Lettre du 20 octobre 1760, Ibid., p. 142, 143.

[27] « Je jouis maintenant un peu plus de mon âme. J’ai fait le bien que je désirais. J’ai rapproché mon frère de ma sœur. Nous nous sommes embrassés tous les trois. Leurs larmes se sont mêlées. Ils vivront ensemble ; puissent-ils se rendre heureux ! », Lettre du 3 août 1759, Ibid., p. 60.

[28] Sigmund Freud, « Le Créateur littéraire et la Fantaisie », L’Inquiétante Étrangeté et autres essais, trad. B. Féron, Paris, Gallimard, 1985, p. 39.

[29] Car la création de monstre est une forme de folie que l’âge classique n’a pas voulu ou n’a pas pu intégrer à son champ de perception défini comme harmonie entre parties subordonnées à une totalité achevée, symétrie pour autant qu’elle reste raisonnable à la Nature et à la raison.

[30] D. Diderot, Lettre du 15 octobre 1759, op. cit., p. 90-91.

[31] Ovide, Les Métamorphoses, III, Paris, Les Belles Lettres, trad. G. Lafaye, 1925.

[32] Antoine Léonard Thomas, Essai sur le caractère, les mœurs et l'esprit des femmes dans les différents siècles, Paris, Moutard, 1772.

[33] Denis Diderot, Sur les Femmes, Œuvres, édition établie et annotée par André Billy, Paris, Gallimard, coll. Bibliothèque de la Pléiade, 1951, p. 957.

[34] « En attendant, je ne permets votre bouche qu’à votre sœur. Je ne souffre point, je dirais presque que j’aime lui succéder. Il me semble qu’alors je presse son âme entre la votre et la mienne. C’est un flocon de neige qui se résoudra peut-être entre deux charbons ardents. », Denis Diderot, Lettre du 3 août 1759, p. 57 et Lettre du 19 août 1762, Lettres à Sophie Volland, op. cit., p. 210.

[35] Denis Diderot, Lettre du 31 juillet 1762, Ibid., p. 204.

[36] Denis Diderot, Lettre du 28 juillet 1762, Ibid.

[37] En particulier les analyses de Georg Wilhelm Friedrich Hegel, Esthétique, t. II, trad. S. Jankélévich, Paris, Aubier.

[38] Denis Diderot, Lettre du 21 novembre 1760, op. cit., p. 163.

[39] L’Apocalypse, La Sainte Bible en latin et en français, Paris, Desprez et Desessarts, 1715, tome II, verset 5, p. 1302.

[40] Denis Diderot, Sur les Femmes, op. cit., p. 957.

[41] Joséphin Péladan, De l’androgyne, Œuvres choisies, Paris, éd. Les formes du secret, 1979, p. 230.

[42] Bakhti Benaouda, « Comment lire Derrida ? », Le cas de Feu la cendre, Madarat, n°5-6, Tunisie, 1995-1996, p. 40.

[43] Denis Diderot, Lettre du 28 juillet 1762, op. cit., p. 197.

[44] Denis Diderot, Lettre du 8 août 1762, Ibid., p. 206.

[45] Animal triste ?